« Motivic, Equivariant and Non‑commutative Homotopy Theory » : une École d’été 2.0 - IHES
Ecole d'été

« Motivic, Equivariant and Non‑commutative Homotopy Theory » : une École d’été 2.0

D’Euler à Poincaré, la théorie de l’homotopie s’est élaborée lentement jusqu’à l’aube du XXe siècle. À partir du moment où les bases ont été fermement posées par Poincaré, elle n’a cessé de croître pour s’épanouir en de nombreuses branches. La diversité ainsi engendrée a parfois éloigné les spécialistes de ces différentes ramifications. L’idée originelle de notre école d’été était, d’une certaine mesure, de les réunir.

Deux mathématiciens ont particulièrement catalysé ce développement au milieu du siècle dernier, Grothendieck et Quillen. Le premier a considérablement étendu le champ d’application des idées de Poincaré grâce aux notions de catégories dérivées et de topos, et nous a légué un monde à découvrir, la théorie des motifs. Le second a fourni une magnifique synthèse de la cohomologie singulière et du groupe fondamental, l’algèbre homotopique, qui a mené aux développements actuels des ∞‑catégories. Plus proches de nous et de notre école d’été se trouvent deux mathématiciens russes, Voevodsky et Kontsevich, dont les idées ont guidé notre programme.

Vladimir Voevodsky, trop tôt disparu, a non seulement permis le développement de la théorie des motifs dans les traces de Beilinson, mais il l’a aussi amplifiée en créant avec Fabien Morel la théorie de l’homotopie motivique, qui permet d’étendre l’analysis situs de Poincaré aux variétés algébriques. La théorie de Voevodsky, encore en plein essor de nos jours, a porté de nombreux fruits. Ainsi, Marc Levine a exposé, dans un des mini‑cours de l’école, les bases de sa géométrie énumérative quadratique, qui permet d’enrichir la géométrie énumérative classique à l’aide de la théorie des formes quadratiques. Ce mini‑cours a été particulièrement mis en valeur par l’exposé en deuxième semaine de Kirsten Wickelgren qui proposait un « comptage quadratique » des sous‑espaces linéaires d’une intersection complète sur un corps arbitraire. L’influence de l’homotopie motivique s’étend au‑delà de la géométrie algébrique. Elle est en particulier liée à la topologie équivariante, par l’intermédiaire des variétés algébriques réelles. L’exposé de Mike Hill, « Real and Hyperreal Equivariant and Motivic Computations », a ainsi mis en valeur ces influences, dans un jeu d’ombres entre calculs équivariants et motiviques.

Parmi les nombreuses contributions de Maxim Kontsevich à la géométrie moderne, on trouve l’utilisation de la géométrie algébrique dérivée, chère à l’école russe, pour parvenir à une nouvelle théorie de motifs, dits non commutatifs, qui donne un nouveau regard non seulement sur les motifs purs de Grothendieck, mais aussi sur les motifs mixtes de Voevodsky. Cette théorie initiale, exposée à l’IHES en 2005, a attiré l’attention de nombreux mathématiciens parmi lesquels Gonçalo Tabuada qui a exposé dans un mini‑cours les nombreux résultats obtenus dans cette branche, et la façon dont leur utilisation apporte un nouveau regard sur notre connaissance des motifs de Grothendieck.

Il n’est malheureusement pas possible de citer ici l’intégralité des contributions, mais tel était, dans ses grandes lignes, notre programme, quand la crise sanitaire est venue en bouleverser l’organisation. Elisabeth Jasserand nous a alors proposé d’organiser une visioconférence sur deux semaines, une première pour nous et pour l’IHES. Après quelques hésitations, il nous est apparu que c’était une expérience salutaire à tous points de vue.

Ce changement de format a nécessité une réaction rapide. Nous avons été surpris de constater que tout le monde était prêt à jouer le jeu ; à la fois les orateurs qui ont très rapidement accepté ce nouveau format, mais aussi les participants qui ont rapidement afflué, pour dépasser très largement les inscriptions initiales : de 87 à 387. Une répétition préliminaire a été mise en place avec les orateurs, mais la plupart étaient déjà prêts à utiliser tablettes et/ou transparents et la programmation en après‑midi a permis d’écouter des orateurs présents sur deux continents. Les exposés se sont particulièrement bien déroulés, malgré le nombre élevé de participants ( jusqu’à 180 simultanément) ; les questions via le chat ont été relayées ou bien par le chairman, ou bien directement prises en charge par l’orateur, ce qui a permis de donner un peu de rythme pour que chacun devant son écran puisse avoir l’impression d’un exposé vivant.

L’évolution de notre environnement, à la fois écologique et humain, nous montre que ce nouveau média est une solution qu’il faut désormais envisager sérieusement.

Frédéric Deglise,
CNRS – Université Bourgogne-Franche-Comté

 

Cet article est apparu dans l’édition 2020 de Bois-Marie, la lettre d’information annuelle de l’IHES. Retrouvez l’intégralité de la lettre.

Retrouvez le programme et tous les exposés de l’École d’été 2020.