Groupe de renormalisation : nouvelle approche par Slava Rychkov - IHES
Le professeur Slava Rychkov revient au groupe de renormalisation / renormalization group by S. Rychkov Vie scientifique

Slava Rychkov propose une approche rigoureuse au groupe de renormalisation

Les phénomènes critiques imprègnent la physique et Slava Rychkov s’intéresse depuis longtemps à leur complexité. Après avoir obtenu des résultats très encourageants au cours des dernières années avec le bootstrap conforme, il est récemment revenu à sa méthode complémentaire et rivale pour traiter la criticité : le groupe de renormalisation. Son objectif est de donner une nouvelle vie à la philosophie qui sous-tend sa formulation originale, et de s’éloigner des nombreuses approximations et troncatures qui caractérisent ses applications les plus répandues.

Pour ce faire, il s’est associé à deux physiciens mathématiciens, Alessandro Giuliani et Vieri Mastropietro. Leur collaboration, qui allie la rigueur de la physique mathématique à l’application de celle-ci à des systèmes physiques d’intérêt réel, a donné lieu à un article, récemment publié sur Journal of High Energy Physics. En montrant en détail un exemple d’application exacte du groupe de renormalisation, ils espèrent susciter un nouvel intérêt pour son utilisation rigoureuse et dévoiler son potentiel inexploité.

Introduit dans les années 1960, le groupe de renormalisation a été développé principalement par Kenneth Wilson, qui en 1982 a reçu le prix Nobel pour ses contributions. Il s’agit d’un ensemble complexe et élégant de transformations qui suggère comment le comportement collectif observé dans les systèmes critiques peut résulter d’interactions microscopiques. Il a joué un rôle crucial dans l’étude des transitions de phase et dans la compréhension de l’universalité qui émerge près de la température critique, à laquelle la transition se produit.

Mais si, d’une part, le groupe de renormalisation semble saisir qualitativement la physique des transitions de phase, d’autre part, les résultats quantitatifs qu’il fournit sont d’une précision limitée : sa complexité a conduit à une série d’approximations qui n’ont pas réussi à converger vers des solutions physiques stables, entraînant ainsi une désillusion générale dans la communauté des physiciens quant à l’espoir de pouvoir un jour le résoudre exactement.

Convaincus que Wilson avait raison et que le problème du groupe de renormalisation est que personne n’a encore trouvé la bonne façon d’appliquer la vision qui était la sienne pour arriver à une solution stable, Slava Rychkov, Alessandro Giuliani et Vieri Mastropietro visent à développer une nouvelle approche rigoureuse au groupe de renormalisation et à l’appliquer à des problèmes physiques pertinents.

Ils ont commencé à travailler ensemble en 2017, quand Slava Rychkov a rencontré Alessandro Giuliani lors d’une conférence organisée par l’Accademia dei Lincei, à Rome. À l’époque, le professeur Rychkov avait déjà obtenu des résultats très prometteurs avec sa méthode de bootstrap conforme, mais il était depuis longtemps convaincu que l’utilisation rigoureuse que les mathématiciens avaient pu faire du groupe de renormalisation pouvait ouvrir de nouvelles perspectives. Alessandro Giuliani, un physicien mathématicien qui s’intéresse de près aux phénomènes critiques, avait de son côté déjà une longue histoire de collaboration avec Vieri Mastropietro sur une approche exacte au groupe de renormalisation.

Dans leur article, ils appliquent le groupe de renormalisation à un nouveau modèle simple, pour obtenir un résultat exact et complet. Leur travail montre que les nombreuses approximations que les physiciens ont appliquées au fil des ans pour s’attaquer au groupe de renormalisation sont certes utiles, mais pas indispensables.

Ce résultat ouvre la voie à d’autres travaux et pourrait constituer un pas important vers la résolution de problèmes restés longtemps ouverts. L’un de ceux qui intriguent les physiciens depuis un siècle maintenant, et auquel Slava Rychkov s’intéresse plus particulièrement, est le modèle tridimensionnel d’Ising. Cent ans après la première formulation du modèle, et plus de 75 ans après que Lars Onsager a trouvé une solution analytique en deux dimensions, cet article permet d’espérer qu’en appliquant la philosophie de Wilson, une solution au modèle tridimensionnel pourrait être exprimée sous la forme d’une série convergente dont les termes seraient calculés.

La collaboration entre Slava Rychkov, Alessandro Giuliani et Vieri Mastropietro prouve que l’alliance entre mathématiciens et physiciens peut conduire à une compréhension plus profonde des lois de la nature, reflétant ainsi parfaitement l’esprit fondateur de l’IHES.