Meilleurs vœux de l'IHES - IHES
Carte de voeux 2021 : Th. Damour IHES

Meilleurs vœux de l’IHES

Pour les chercheurs, les moments de partage, formels mais aussi informels, sont primordiaux. Or, en 2020, cela a été un véritable défi que de trouver les moyens et formats permettant de préserver le dialogue scientifique et la qualité des liens avec ses collaborateurs et collègues.

Cette carte de vœux vise donc à rendre hommage aux chercheurs et aux chercheuses qui, partout dans le monde, se sont adaptés, ont testé de nouveaux outils, ont exploré des approches alternatives, en vue toujours de maintenir et favoriser leurs échanges, pour faciliter l’éclosion et la circulation des idées qui conduiront aux découvertes et avancées de demain.

Les scientifiques de l’Institut qui le souhaitaient – professeurs permanents, associés, visiteurs, post-doctorants et doctorants – ont ainsi pu choisir une équation ayant une signification particulière à leurs yeux. Ce sont ces équations qui figurent sur la carte de voeux, aux côtés d’une formule célèbre d’Euler, souvent présentée comme l’une des plus belles équations en mathématique. Vous trouverez ci-dessous une courte présentation des scientifiques qui se sont prêtés au jeu ainsi que leurs explications de leur choix d’équation.

À votre tour, nous vous invitons à participer en partageant l’équation que vous auriez choisie et en précisant pourquoi ici.


Equation T Damour

Equation choisie par Thibault Damour, professeur permanent à l’IHES depuis 1989

Thibault Damour est un physicien théoricien dont les principaux domaines de recherche sont la relativité générale et la cosmologie. Ses recherches ont notamment été fondamentales dans la détection des ondes gravitationnelles en 2015.

« Cette équation est le résultat principal d’un article que je viens d’écrire (« Radiative Contribution to Classical Gravitational Scattering at the third order in G », Phys. Rev. D102, 124008) qui résout une question « chaude » ouverte depuis presque deux ans, et que beaucoup d’autres personnes ont essayé de résoudre.

Cette équation parle de l’angle de déflection de deux particules massives classiques (par exemple Figure d'espace-temps montrant la collision (à distance) de deux trous noirsdeux trous noirs) interagissant gravitationnellement en théorie d’Einstein, et dit que lorsque l’on ajoute l’effet de freinage gravitationnel sur l’angle de déflection, le résultat admet une limite à haute énergie (HE) qui coïncide avec l’angle déduit de l’approximation quantique dite « eikonale ».

Ce processus physique est illustré dans la figure ci-contre qui est une figure d’espace-temps montrant la collision (à distance) de deux trous noirs produisant des ondes gravitationnelles. »


Equation choisie par Arthur Parzygnat, post-doctorant

Arthur Parzygnat est un mathématicien dont les domaines principaux de recherche sont la théorie des catégories appliquées, la physique mathématique et l’information quantique. Il est post-doctorant à l’Institut depuis un an et demi et fait partie du programme ERC QUASIFT de Vasily Pestun.

« Cette équation s’appelle « Règle/théorème de Bayes » bien qu’il soit plus courant de la voir écrite P(A|B)P(B)=P(B|A)P(A). Elle est utilisée pour faire des déductions sur des résultats basés sur des preuves, comme le diagnostic de maladies, elle est le fondement de nombreux algorithmes d’apprentissage automatique, et certains pensent que ce théorème détermine même la façon dont les êtres intelligents prennent des décisions.

Le diagramme dessiné ici est une reformulation catégorique récente de la règle de Bayes, qui ne repose pas sur son interprétation probabiliste. Un tel point de vue permet d’utiliser le concept plus abstrait comme définition (par opposition à un théorème) dans un contexte complètement nouveau, où une équation telle que P(A|B)P(B)=P(B|A)P(A) pourrait ne pas avoir de sens, mais où le diagramme en a un. Compte tenu de l’omniprésence de la règle de Bayes, il est très possible que nous n’ayons fait qu’effleurer la surface avec ses applications. Quelle nouvelle perspective une telle reformulation peut-elle nous apporter ? Où peut-elle être utilisée et comment pouvons-nous l’interpréter ? »


Equation choisie par Katie Vokes, post-doctorante

Katie Vokes est une mathématicienne, dont les principaux domaines de recherche sont la théorie géométrique des groupes et la topologie en basses dimensions. Elle est post-doctorante à l’Institut depuis bientôt deux ans et fait partie du Programme Huawei Young Talents depuis octobre 2020.

« Cette équation est l’énoncé du théorème de Gauss-Bonnet pour une surface M sans frontière. C’est un résultat magnifique et fondamental en géométrie différentielle qui relie l’intégrale de la courbure K de M à la caractéristique d’Euler χ(M) = 2 – 2 genre(M). La formule de Gauss-Bonnet codifie les réponses à de nombreuses questions fondamentales que nous pourrions poser en pensant aux surfaces. Pourquoi deux surfaces hyperboliques (courbure constante K ≡ -1) du genre 5 doivent-elles avoir la même surface ? Et pourquoi ne pouvons-nous pas faire une surface de genre 2 à partir d’un morceau de papier plat sans introduire des points singuliers ? »


Equation choisie par Emmanuel Ullmo, directeur de l’IHES

Emmanuel Ullmo est un mathématicien dont le domaine de recherche est la géométrie algébrique et arithmétique.

« Soit E une courbe elliptique (modulaire) définie sur Q, le champ des nombres rationnels. Au début des années 80, deux mathématiciens, Brian Birch et Peter Swinnerton-Dyer, ont proposé cette formule où r désigne le rang algébrique de E, qui est supposé être égal au rang analytique de E, et X(E/Q) est également supposé être fini.

Ouverte depuis plus de quarante ans, la conjecture n’a été démontrée que dans des cas particuliers. Elle est largement reconnue comme un des problèmes mathématiques les plus difficiles et les plus profonds encore ouverts au début du XXIe siècle. »


Equation choisie par Veronica Fantini, chercheuse invitée, SISSA (Italie)

Véronica Fantini est une mathématicienne dont les principaux domaines de recherche sont la géométrie et la physique mathématique. Elle est en visite à l’Institut pour quatre mois.

« J’ai choisi l’équation de Maurer-Cartan d² A+½[A,A]=0, car selon le contexte et le point de vue, elle décrit différents objets. Comme l’équation de Maurer-Cartan qui a des interprétations différentes, regardons avec optimisme l’année 2021, même en cette période difficile. »


Equation choisie par Robert Penner, détenteur de la chaire René Thom et grand donateur de l’IHES

Robert C. Penner est un mathématicien qui s’intéresse à la physique et la biologie. Ses principaux domaines de recherche sont notamment les espaces de modules et leurs applications à la physique et la biologie, ses travaux actuels apportant d’importants éclairages pour le développement de vaccins contre le Covid et d’autres maladies virales. Robert Penner est un visiteur régulier de l’Institut depuis de nombreuses années et il est détenteur de la chaire René Thom depuis 2014.

« Je trouve que c’est une équation vraiment superbe, avec une jolie collection de symboles ! Cette formule exprime la forme de Maurer-Cartan ξ de l’algèbre de Lie que j’ai construite pour le groupe topologique des homéomorphismes du cercle préservant l’orientation, que j’ai étudié
depuis 30 ans. En d’autres termes, c’est la généralisation universelle de la forme d’Eisenstein
E2 (z) dz en coordonnées hyperboliques ce qu’on appelle parfois les coordonnées de Penner λA.
Je viens de terminer un article avec Igor Frenkel où cette formule figure en tant que forme automorphe universelle destinée à capturer le Monstre. »


Equation Euler

L’identité d’Euler

Leonhard Euler est un mathématicien et un physicien suisse du XVIIIe siècle. Il fit d’importantes découvertes dans des domaines aussi variés que le calcul infinitésimal et la théorie des graphes. Il est considéré comme l’un des plus grands mathématiciens et des plus prolifiques de tous les temps.

« L’identité d’Euler a été élue « plus belle formule mathématique de tous les temps » en 1988 par un collège de mathématiciens.

Elle présente la particularité de relier entre elles les cinq grandes constantes des mathématiques : 0, 1, pi, e et i et selon Cédric Villani, “c’est la combinaison improbable de ces cinq constantes qui rend belle cette équation”.

Ces constantes n’ont en effet a priori rien en commun. Au cours des siècles, elles sont apparues dans la grande histoire des mathématiques dans des contextes très différents, pour résoudre des problèmes qui n’avaient, de prime abord, rien à voir.

Elle présente également des opérations élémentaires : la multiplication, l’addition et l’égalité.

Elle allie arithmétique, géométrie, algèbre et analyse dans un énoncé extraordinairement condensé. »